"Trop de personnes sont contraintes de vivre à la rue. L’État doit renforcer l'hébergement d'urgence, aider les collectivités solidaires, les associations et les bailleurs. Agir est un devoir d'humanité" Patrice Bessac, maire de Montreuil
Déclaration de Patrice Bessac, maire de Montreuil, président d'Est Ensemble
"Une des violences imposées à l'humanité est de devoir vivre à la rue, sans toit où se réfugier. Cette violence existe ici, chez, nous, au coeur de la région la plus riche de France.
Il faut imaginer ce que veut dire ne pas pouvoir se retrouver dans un « chez soi » où se poser, récupérer de sa fatigue, pouvoir être entouré des siens, se tenir au chaud.
Les conséquences d'être contraint de vivre et de dormir à la rue sont aussi violentes que scandaleuses. Tout ce qu'un être humain tente d'éviter au cours de sa vie frappe celles et ceux qui n'ont que la rue pour refuge : solitude, froid, déscolarisation, chômage, délinquance, santé vacillante, prostitution, vulnérabilité, détresse psychique, mort violente.
Dormir à la rue tue ! Et il n'est plus possible de laisser les gens mourir.
Fin octobre, le collectif Les Morts de la rue dénombrait 624 morts depuis le début de l'année 2023 !
Un toit sur la tête devrait plus que jamais constituer un droit fondamental de la dignité humaine. Alors que les besoins sont toujours plus importants, le secteur du logement est pris dans la tenaille du désinvestissement des politiques publiques et de la financiarisation du secteur.
« La fortune dans les temps d'épreuve doit être partagée » disait l'abbé Pierre. Qu'avons-nous fait collectivement pour faire vivre cette parole et contribuer à donner un minimum de dignité à ces femmes et à ces hommes privés d'un toit pourtant indispensable pour envisager une vie sereine ? Pensons à tous ces enfants à la rue qui débutent leur existence dans ces conditions. Alors que nous célébrerons le 1er février prochain les 70 ans de l'appel de l'abbé Pierre, trop de nos concitoyennes et de nos concitoyens vivent encore à la rue.
Ces situations ne peuvent plus durer.
Aussi, j'ai décidé qu'une nouvelle fois, Montreuil prendrait sa part en mettant volontairement à disposition un gymnase municipal aménagé pour accueillir plusieurs dizaines de femmes vivant seules, à la rue, en rupture et privées d’hébergement.
Ce gymnase ouvre dès ce vendredi 15 décembre et jusqu'au mois de février.
En ouvrant cet équipement municipal, nous contribuons modestement à renforcer les capacités d'accueil et de mise à l’abri présentes dans la ville (11 hôtels sociaux, 300 places d'hébergement d'urgence, 243 en centre d'hébergement de réinsertion sociale, 110 en centre d'accueil pour demandeurs d'asile).
A Montreuil nous avons fait des choix clairs pour faire vivre par le logement les valeurs d'égalité, de dignité et de solidarité. Nous continuons de construire des logements sociaux, imposons 40 % de logements sociaux dans toute construction neuve, rénovons les foyers de travailleurs migrants, luttons contre l'habitat indigne, expérimentons le bail réel solidaire, encourageons l'habitat participatif et veillons à maintenir un pourcentage de logement social à hauteur de 37 % malgré la pression spéculative qui s'exerce sur les biens immobiliers et les terrains de la première couronne parisienne.
Alors que l'immobilier est devenu une rente financiarisée (3,5 % des ménages détiennent 50 % des logements mis en location), le logement social est la garantie pour chacune et chacun de disposer d'un toit pour pouvoir se loger.
Montreuil seule ne peut répondre au cataclysme qui s'abat sur le logement en Île-de-France. Alors que 76 % des Franciliennes et des Franciliens sont éligibles au logement social, 783 000 ménages ont fait une demande en 2022. Ils sont 9 500 à Montreuil !
Trop de villes refusent encore de construire du logement. Les maigres sanctions financières qu'elles peuvent se voir infligées ne suffisent pas à les faire renoncer à leur égoïsme. En octobre, j'ai appelé les préfets à reprendre aux maires qui refusent la solidarité le droit de délivrer des permis de construire. La loi SRU doit s'imposer à tous. Chaque maire doit contribuer à l'effort national en faveur du logement pour tous. Seule la solidarité entre communes permettra de répondre aux centaines de milliers de demandeurs.
Cet hiver 2023-2024, la crise de l'hébergement d'urgence s'annonce encore plus forte.
En raison des besoins immenses générés par l'organisation des Jeux olympiques à Paris, les capacités d'hébergement d'urgence se tarissent. Les hôtels récupèrent les chambres utilisées pour de l'hébergement d'urgence. Or, 50 % des places d'hébergement d'urgence sont des chambres d'hôtels. Ce sont les sans-abris qui en font les frais. Demain, les Villes qui voudront, en urgence, payer des nuitées d'hôtel à des familles qui en ont besoin ne le pourront plus.
L'urgence est de sortir maintenant les femmes, hommes et enfants de la rue.
Des collectivités comme Montreuil agissent. L'État doit davantage les aider, mettre réellement en oeuvre ses obligations en matière d'hébergement d'urgence et reprendre la main sur un secteur accaparé par le secteur privé et ses logiques financières. « La crise du logement est le carburant le plus important des inégalités » soulignait Cécile Duflot, directrice d'Oxfam.
Cela doit cesser. L’État peut le décider."
Patrice Bessac, maire de Montreuil
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Détail du dispositif de mise à l'abri hivernal de Montreuil (93) :
Le dispositif d'ouverture d'un gymnase municipal que met en place Montreuil dépasse la simple mise à l’abri en créant les conditions d’un véritable accompagnement afin d'éviter un retour à la rue. Il s'inscrit dans la continuité des nombreuses politiques de solidarité mises en oeuvre à Montreuil (notamment les capacités en hébergement d'urgence ouvertes toute l'année sur son territoire communal). Si depuis plusieurs années, Montreuil fait le constat de l'absence d'appel à projets de l’État dans le cadre des « mesures hivernales ». Pour ouvrir son gymnase municipal, Montreuil a malgré tout noué un partenariat local avec la direction régionale interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL 93).
Cet effort de solidarité renforce durant l’hiver les capacités d’accueil coordonnées par le 115, complète les places d'hébergement d'urgence déjà existantes à Montreuil et surtout, permet à chaque personne accueillie d'être prise en charge par un dispositif d’accompagnement avec des travailleurs sociaux.
Le gymnase municipal, accessible uniquement via une orientation par le 115, est ouvert de 18h à 10h du matin. Chaque personne accueillie y bénéficie d’un accès facile aux sanitaires (toilettes et douches) et d’un lieu de repos équipé d’un lit, de couvertures et de duvets « grand froid » ; de chaleur et de réconfort ; d’un repas du soir préparé avec soin et en adéquation avec les besoins de personnes vivants à la rue par l'entreprise sociale et solidaire Label Gamelle, d’un petit déjeuner et d’un kit d'hygiène et de douche.
Ce dispositif de mise à l'abri est coordonné par le service solidarités du CCAS de Montreuil, en lien avec le 115 et le SIAO 93. De nombreux services municipaux sont impliqués (centres municipaux de santé, sports, bâtiments, éducation, propreté des bâtiments, atelier, tranquillité publique, etc.). La contribution essentielle des partenaires de la Ville se traduit par l'action d'écoute et d'évaluation des situations individuelles par des travailleurs sociaux de Cité Caritas (Secours Catholique) et d'Emmaüs Alternatives présents en soirée et toute la nuit. La journée, les femmes hébergées seront recueillies dans les accueils de jour d'Emmaüs Alternatives et de Cité Caritas et orientées pour des consultations médicales dans les centres municipaux de santé de Montreuil. L'objectif de cet accompagnement est d'éviter le retour à la rue des personnes prises en charge à l'issue de la période hivernale.
Au cours de l'hiver 2022-2023, toutes les personnes prises en charge ont pu être orientées, à la fermeture du gymnase, vers des centres d’hébergement d’urgence, des dispositifs « lit halte soin santé » ou des centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Leur accompagnement a également permis d’entamer un suivi de leurs problématiques de santé et d'accès aux droits. A la fermeture du gymnase municipal, aucune personne n'est retournée à la rue.
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